SUD OUEST | Dimanche 30 Aout 2009
OURS. Gérard Caussimont croit toujours que le berger et l'ours peuvent cohabiter dans les Pyrénées
Le rêve simple d'un naturaliste
(voir "la suite du texte)
C'est un têtu, un opiniâtre. À 57 ans dont plus de trente voués à la cause de l'ours, le naturaliste de terrain Gérard Caussimont, fixé à Ogeu, âme du Fiep (1) - Groupe Ours Pyrénées - croit toujours que le berger pyrénéen peut cohabiter avec le plantigrade.
Son rêve ? « Qu'on puisse faire un jour chez nous les mêmes observations que dans les monts cantabriques ou dans les Abruzzes ; que les gens puissent voir une ourse avec son ourson. »
C'était en juin dernier, dans la région des Picos de Europa : Gérard Caussimont a assisté au rut de deux mâles et d'une femelle. « La scène se déroulait en plein jour, à 1 km d'un village ; un paysan travaillait son champ avec son tracteur à 250 mètres. Il y avait des vaches pas très loin. Ce sont les ours qui ont fini par partir... »
Question : « Si c'est possible ailleurs, pourquoi ne le serait-ce pas chez nous ? On est ancré dans l'idée que les ours font fuir les autres animaux, mais dans les endroits où on ne les traque pas, où on leur fout la paix, il en va autrement. Dans les Pyrénées, les ours ont quasiment pris des habitudes crépusculaires. »
Précurseur depuis trente ans
Le Fiep fête ses trente ans d'actions en faveur des bergers du haut Béarn. On lui doit la mise en place de la « prime de dérangement » (1979), les premières liaisons CB (1983) puis par radiotéléphones - aujourd'hui alimentés par panneaux solaires - en estives, les premiers héliportages aux cabanes pastorales (1994), une « marque de fabrique » des fromages de brebis en montagne : Pédescaous, qu'utilisent aujourd'hui une douzaine de bergers.
L'ours, Gérard Caussimont ne l'a observé que quatre fois en Aspe et en Ossau. Mais, il souligne, soucieux de la déontologie du naturaliste de ne pas déranger la faune : « Je n'ai jamais pratiqué l'affût pour voir l'ours à tout prix. » Ce qui ne l'empêche pas de relever des indices de sa présence presque toutes les semaines.
« Force tranquille »
Il en restait entre 15 et 18 entre Béarn, Aragon (Anso, Hecho) et Navarre, quand ce Dacquois de naissance a fait de la sauvegarde de l'ours la cause de sa vie. « Le déclic, ce fut en 1976, lors d'un colloque sur la grande faune à l'université de Pau, qu'organisait Claude Dendaletche. »
Gérard Caussimont date de 1981 son observation la plus mémorable, en lisière de forêt, à Borce (vallée d'Aspe) : « C'était un ours très clair. L'animal ne m'a pas vu. Ce qui m'avait frappé c'est que l'on aurait dit qu'il roulait des mécaniques et que sa fourrure semblait détachée de son squelette. Il dégageait une force tranquille... » La même année, il soutint une thèse de doctorat socio-économique sur les vallées : « Je ne voulais pas opposer l'homme et la nature. »
Une quinzaine d'individus, c'est au mieux, aujourd'hui, la population résiduelle d'ours dans toute la chaîne des Pyrénées. « À partir de 1983, on s'est retrouvé avec deux ou trois femelles en Béarn. » Un nombre devenu insuffisant pour que se perpétue l'espèce.
Mais, vice-président de la commission scientifique du Parc national des Pyrénées, où il siège en tant que représentant des associations de protection de la nature, ce prof d'espagnol, directeur du collège-lycée Saint-Joseph, à Oloron, ne désespère pas : « Il est toujours temps de sortir de cette situation par le haut [...] Le moment est peut-être venu, au Conseil général, au Conseil régional, pour prendre des décisions courageuses, à l'encontre de ceux qui utilisent leur droit de veto depuis des années. »
Bien pire que l'ours...
Il réclame le remplacement des deux femelles tuées, pour restaurer quelque peu le noyau occidental. Si l'on attend trop, on se priverait selon lui d'une valorisation touristique de l'ours, par des activités « organisées et canalisées » de découverte et d'observation. « On n'aura bientôt plus une agriculture de montagne suffisamment vivante pour en être le moteur. »
Pour Gérard Caussimont, l'appui aux bergers passe désormais par une aide au désendettement en termes de main-d'oeuvre. « On réaliserait, s'ils n'étaient pas instrumentalisés, que la quasi-totalité des dégâts d'ours - quatre dizaines de bêtes par an environ - ont moins d'impact que les dégâts de chiens, et infiniment moins que des maladies comme la fièvre catarrhale, la tremblante du mouton ou l'agalaxie. » Car là, c'est par milliers qu'on compte les bêtes perdues.
(1) Fonds d'intervention écopastoral.
Auteur : Thomas Longué
Format imprimable | Envoyer cette lecture à un(e) ami(e) |